«　Ce message s’adresse à vous, Humains. Les Démons existent. Craignez-nous, car nous sommes immortels et remplis de rancoeur, vous finirez par poser genoux à terre. Vénérez-nous, car les Dieux que vous adulez, eux, ne vous sauverons pas.　»
-Extrait du journal de bord de Zortan, Sage démoniaque-

Prologue :


　
　
C’est sur une planète du nom de Wyrial que Sarutobi le Roi-Singe, choisit de se téléporter. Cette petite planète isolée dans une partie sombre et encore méconnue de l’univers était son dernier recours et surtout la dernière chance pour le petit garçon qui lui tenait la main, son fils, de vivre, loin de la bataille qui faisait rage et qui était perdue d’avance.

Ils se trouvaient dans une plaine paisible et silencieuse, à plusieurs kilomètres du village humain le plus proche. Le soleil commençait tout doucement à se lever et les lueurs de l’aube éclairaient un peu plus le ciel et le paysage chaque minute qui passait. On pouvait voir d’un côté, au loin, là ou les plaines continuaient jusqu’à n’en plus finir, quelques habitations isolées, certainement des fermes ou des bergeries. De l’autre côté se présentait devant eux une forêt luxuriante, d’où ils pouvaient entendre des bruits, des craquements de branches et des cris d’animaux, qui sonnaient comme un avertissement à tous ceux qui voudraient s’y aventurer.

Surplombant cette forêt, une montagne imposante et inquiétante semblait percer les nuages de sa taille gigantesque. Depuis leur arrivée sur cette planète, nul n’avait prononcé mot. Le petit garçon de dix ans, que sa famille ou ses proches appelaient familièrement Monkey, serra un peu plus fort la main de son père dans la sienne et brisa le silence:

-Papa? dit-il en levant la tête vers son père.
-Qui y a-t-il mon fils?
-Ou sommes-nous?
-Dans un endroit où tu es en sécurité. répondit simplement Sarutobi, sans un regard pour l’enfant. Monkey comprit qu’il ne fallait pas pousser le sujet plus loin s’il ne voulait pas provoquer la colère de son père. Néanmoins, il fit une autre tentative:

-Et où allons-nous?
-Voir un ami. Ne t’avise pas de m’en demander plus.
-D’accord…Mais, Papa, est-ce que ça va aller?…Tu saignes…
Le petit Monkey sentait la chaleur du sang qui coulait en abondance du bras de son père et qui finissait sa course dans leurs deux mains serrées. Le Roi-Singe baissa la tête vers son fils en le regardant dans les yeux :

-Ne dis pas de bêtises, tu m’ennuie. lui dit-il d’une voix grave où transparaissait l’agacement du Roi.
-Bi…Bien, bégaya Monkey, intimidé par le regard froid de Sarutobi. Ce dernier continua d’observer son fils, son seul héritier, il n’était pas bien grand pour son âge, pas bien épais non plus, le teint mât, les yeux bruns-orangés, presque dorés et des cheveux noirs en bataille lui entourant son visage plutôt agréable à regarder. Le petit garçon était juste vêtu d’une chemise noire, d’un pantalon de toile blanche, tout ça enfilé à la va-vite, et il était pieds-nus. En contemplant la chair de sa chair, le Roi se surprit à penser « Ce petit gars est trop gentil, il passerait presque pour un humain. Il n’a rien de démoniaque, du moins pas encore…Je n’ai pas pris le temps d’éveiller son potentiel, il ne sait rien de la vie, de sa force, c’était à moi qu’incombait la responsabilité de lui apprendre toutes ces choses, en tant que père, putain…　»

Sarutobi enrageait rien qu’en pensant à toutes ces choses, mais le temps n’était plus à la réflexion, il fallait agir, et vite! Pour lui c’était la fin, mais son fils avait encore l’occasion de vivre, de grandir et de devenir fort, grâce à la personne qui se cachait sur cette planète. Il leva la tête en direction de leur destination, le sommet de la montagne, masse sombre presque entièrement dissimulée par le brouillard encore tenace. De sa main libre il leva le menton de son fils afin qu’il regarde la montagne lui aussi puis le serra contre lui.

Ils restèrent ainsi seulement deux minutes, un moment de plénitude et d'émotion où ils entendaient uniquement leurs réspirations respectives. Monkey savait au fond de lui que c’était certainement l’un des derniers moments qu’il passait seul à seul avec son père, c’est pourquoi il ne posa pas de question, bien qu’il ne comprenait pas pourquoi ils observaient cette montagne. Sarutobi, lui, savait qu’ici, sur cette toute petite planète sans importance, au sommet de cette montagne peu accueillante, allait pouvoir débuter la légende de l’héritier d’une grande lignée démoniaque, un Démon du nom de Monkey D. Micky, son fils.



Chapitre 1: Promesse d‘apprentissage.

　

Sarutobi courait dans la forêt, portant son fils sur le dos, il n’avait plus assez d’énergie pour se téléporter en haut de la montagne et devait se presser. Il progressait dans la forêt sombre sans s’arrêter, tantôt sur le sol jonché de feuilles et de branchages, esquivant les souches d’arbres morts et les racines noueuses qui sortaient de la terre, tantôt dans les arbres, sautant de branches en branches en faisant preuve d’une agilité hors pair dont seul les Démons de sa lignée étaient capables, malgré ses blessures profondes et son état de fatigue très avancé. Le silence était à nouveau de la partie, trahit uniquement par le souffle du vent dans les feuillages, les craquements de branches et la respiration saccadée du Roi. Ils traversèrent la forêt sans encombre et se retrouvèrent au pied de la montagne rapidement, Monkey leva les yeux, et fut étonné de ne même pas voir le sommet, son père, lui, n’eut aucune réaction particulière, il ordonna juste a son fils de bien s’accrocher à lui puis entama l’escalade.

Au bout d’un certain temps, qui parut une éternité pour Monkey, ils arrivèrent sur une sorte de plateforme rocailleuse, juste en dessous du sommet, ici se trouvait une sorte de tunnel creusé dans la roche, une vague lueur en ressortait, Sarutobi reposa son fils à terre et ils pénétrèrent tout deux dans le tunnel sombre. Au fur et à mesure de leur progression, ils remarquaient que le tunnel s’élargissait et la lueur se faisait de plus en plus forte. Ils finirent par arriver dans une sorte de petite grotte aménagée et éclairée par quelques bougies. Un homme se trouvait assis au centre de la pièce. Il se leva à l’arrivée des intrus et ils s’observèrent, pendant un petit moment, immobiles. L’homme était vêtu uniquement d’une longue toge rouge et usée, il était vieux, très vieux, le dos voûté, chauve et avait une longue barbe grise, sale et mal entretenue qui lui descendait presque jusqu’au ventre. Son visage était silloné de rides et il ne possédait qu’un seul œil, l’autre était fermé et barré d’une horrible cicatrice blanche. Monkey se dit qu’il avait l’air d’un vieillard fragile comme les autres jusqu’à ce qu’il plonge son regard dans cet unique œil, flamboyant de folie et d’énergie, contrastant totalement avec le reste de sa personne. Le vieil homme parla le premier:

-Je t’attendais, Saru. dit-il.
-J’aurais aimé te revoir dans d’autres circonstances Zortan, mon vieil ami, répliqua Sarutobi, mais malheureusement le temps presse.
-J’ai une petite idée sur l’objet de ta venue, asseyons-nous donc et confirme-moi mes pensées. Ils s’asséyèrent à-même le sol, Zortan et Sarutobi face à face et Monkey s’accrochant au bras de son père.
-J’ai appris que tu étais devenu Roi à présent mon petit Saru, commença Zortan, et pourtant tu est là devant moi dans un si triste état, tu as l’air d’un pauvre fermier misérable, et c’est peu dire crois-moi. En effet, le Roi-Singe se trouvait dans un état pitoyable, ses habits sales étaient déchirés à plusieurs endroits et là ou on pouvait voir la peau nue, on distinguait une quantité importante de plaies ouvertes, d’où coulait abondamment le sang. De la boue séchée lui recouvrait quasiment tout le visage, ses longs cheveux bruns, d’habitudes plaqués impeccablement en arrière, retombaient en touffes hirsutes sur ses épaules, des feuilles et diverses choses étaient coincées dedans. Ses yeux étaient injectés de sang et d’énormes cernes lui donnaient l’air de lutter sans répit contre le sommeil, un sommeil probablement éternel…

-Tu es toujours aussi délicat dans tes propos, vieux sage, lança Sarutobi, un vague sourire aux lèvres.
-Je croyais que tu étais pressé, mon temps n’est pas gratuit lui non plus, viens-en au faits, répliqua Zortan, ignorant la remarque du Roi.
-Eh bien…
-C’est Oférion n’est-ce pas? le coupa le sage. Le sourire du Roi disparut pour laisser place a un rictus ou étaient mélés douleur, peine et colère.
-Oui…lâcha-t-il dans un souffle de haine.
-Je savais que ça finirait de cette manière, je t’ai prévenu maintes et maintes fois que c’était une erreur, malheureusement tu n’en as fais qu’à ta tête comme d’habitude, aujourd’hui tu es Roi mais sur ce point tu n’as pas changé, pauvre macaque…Sarutobi se releva d’un bond :
-Comment oses-tu? Toi aussi tu as fais partie de la Tribu des Singes Démoniaques et maintenant tu l’insulte?! Je n’ai pas besoin de ta morale vieux fou! lança-t-il férocement.
-Calme-toi et reprend place, ne perdons pas notre temps en querelles inutiles bien que je te conseille de baisser d’un ton avec moi, aurais-tu oublier qui je suis? demanda calmement le sage.
-Non, excuse-moi, je suis à bout, répondit Sarutobi en se rasseyant.

Monkey observait la scène en silence et un peu effrayé, jamais il n’avais vu son père perdre son calme de cette façon et jamais, au grand jamais il n’avait vu quelqu’un parler de la sorte au grand Roi-Singe. Mais qui pouvait bien être cet homme? Zortan posa une autre question qui fit immédiatement réagir Monkey, il avait le don de taper là ou ça fait mal :
-Et où se trouve Elizéa? Je vois qu’elle n’est pas avec vous. Monkey regarda intensément son père, il n’avait pas osé poser cette question lui-même, de peur de provoquer la colère de son père, il sauta sur l’occasion.

-Pourquoi Maman n’est pas venue avec nous? Sarutobi ne répondit pas, il ne faisait que regarder son enfant en silence et l’on devinait dans ses yeux qu’il connaissait la triste réponse, ce qui fit monter peu à peu la panique à l’intérieur du petit garçon qui commença à pleurer et à perdre le contrôle de lui-même. Il se jeta sur le Roi, s’accrochant à ses habits :
-Elle va nous rejoindre plus tard? Ou est-elle? Je veux qu’elle vienne! commença à crier Monkey, je l’ai entendue crier, elle criait de douleur! Pourquoi m’as-tu emmener ici au lieu d’aller voir ce qu‘il se passait! Elle m’a dit que tout irait bien alors pourquoi n’est-elle pas là Papa?! Je…
La claque partit, brève, forte et douloureuse. Le Roi-Singe frappa son fils à la joue du plat de la main, ce dernier fut projeté à travers la pièce dans un cri de surprise et s’écrasa misérablement sur le sol.

-Ta mère est morte en se sacrifiant pour te protéger, pour que tu puisse t’enfuir et vivre! cria Sarutobi à l’atention de son fils, alors arrête de rêver! Tu lui fais honte petit imbécile! Relève-toi, sois fier d’avoir eu une mère si exceptionnelle et ne pleure plus! Un Démon ne doit pas pleurer! Mais Monkey restait face contre terre, pleurant de plus en plus fort, le corps secoué de sanglots.
-Maman, je veux ma mère…Maman… ne cessait de dire tout bas le petit garçon. Chacun de ces gémissements faisait un peu plus mal à Sarutobi, la perte de sa femme l’affectait beaucoup. La tête baissée, fixant ses poings qu’il serrait de plus en plus forts jusqu’à en faire couler du sang de ses paumes, il tentait de contenir sa rage. «　Ma Reine…Notre fils te réclame mais tu n’es plus là, c’est moi qui aurait du me sacrifier, pardonne-moi…Elizéa…Ils t’ont tuer par ma faute…Merde, merde, merde! Ils vont le payer chèr ces salauds…J’vais les tuer, j’vais tous les CREVER!!!　»
Le sang formait à présent une petite flaque sur le sol mais le Roi ne le remarquait même pas.

-Zortan, tu as compris la raison de ma venue, je souhaite que tu t’occupe de mon fils, je ne peux demander ça qu’à toi. dit-il.
-Mon pauvre Saru, tu as commis bien des erreurs dans ta vie et tu n’as que ce que tu mérite, ton peuple meurt, ta femme n’est plus et ton fils n’est encore qu’un petit pourri gâté sans aucun intérêt, tout cela était prévisible. Quelle idée d’accorder sa confiance aux Dieux, tu me fais pitié. rétorqua cruellement Zortan, fixant son interlocuteur d’un air hautain.
-Je sais…Je t’en prie mon vieil ami, élève mon fils, fais-toi-même ce que je n’ai pas su faire, enseigne-lui ce que je n’ai pas eu le temps de lui enseigner. Rend-le fort, rends-le cruel, qu’il soit un jour le plus puissant de tout les Démons, capable de renverser les Dieux! Qu’il me venge, qu’il nous venge tous! Sarutobi avait terminé sa tirade en criant de désespoir.

Le vieux sage tourna la tête vers Monkey, qui s’était redresser et ne pleurait presque plus. Il lui fit signe d’approcher de la tête et le petit garçon s’éxécuta.
-Il y a vraiment beaucoup de travail, dit Zortan, tout en observant le visage de l’enfant fragile, sur ses petites joues des sillons irréguliers avaient étés creusés dans la saleté par les larmes. Lui aussi il fait pitié, aucun doute, c’est bien ton fils.
Sarutobi était maintenant à genoux, face contre terre, oubliant toute notion de dignité pour implorer Zortan.
-Accepte s’il te plait, je t’en conjure, considère cette demande comme la dernière requête d’un Roi sur son lit de mort!
-N’aggrave pas ton cas Oh Grand Roi, dit ironiquement Zortan, relève-toi, c’est d’accord. Je le rendrait si puissant qu’il aura honte d’avoir eu un père si faible.
-Merci infiniment, je t’en serais reconnaissant par-delà la mort! répondit Sarutobi en se redressant.
-N’en fais pas trop, l’heure n’est pas aux remerciements, la guerre fait toujours rage de là ou tu viens non?
-Oui, tu as raison, j’aimerais jeter mes dernières forces dans la bataille mais je n’ai plus assez d’énergie pour m’y téléporter, envoie-moi las-bas Zortan.

Zortan se releva à son tour et s’approcha de Sarutobi, Monkey en fit de même.
-Je ne veux pas que tu y retourne! Les larmes lui remplissaient à nouveau les yeux.
-Tu préfère plutôt que je reste pour mourir dans cette grotte? Ne sois pas idiot! répliqua sechement son père.
-Vous avez fini tout les deux? s’impatienta Zortan.
-Oui, répondit simplement Sarutobi, sans un regard pour son fils. Zortan leva un bras et posa la paume de sa main décharnée sur le torse du Roi.
-Saru, tu as vraiment raté ta vie, les rêves auxquels tu aspiraient sont si loin de la réalité d’aujourd’hui, tâche au moins de ne pas rater ta mort. Meurs en véritable guerrier.
-Compte sur moi vieux fou. Sarutobi souriait à pleines dents, d’un sourire sincère et fatigué, Zortan lui rendit son sourire, c’était la première fois que Monkey voyait ce vieil homme sourire. Le Roi-singe se tourna une dernière fois vers son fils :
-Je ne reviendrais plus mon fils tu le sais, alors n’atend pas mon éventuel retour, cela n’arrivera pas. lui dit-il.
-Mais je…commença l’enfant, mais son père ne l’écoutait plus, il ne faisait plus que lui sourire tristement.
-Sois fort, et surtout n’oublie pas quels parents tu as eu, tu n’est pas le fils de nimporte qui. Il est temps, continua-t-il. Il tendit son bras et effleura du bout de ses doigts ensanglantés le visage de son héritier, lui laissant une trace de sang sur la joue, un des rares gestes d’affection qu’il eut pour son fils.
-Non, dit Monkey, paralysé par la terreur.
-Salut, termina simplement Sarutobi. Puis il disparut dans un bruit de claquement, d’un coup il n’était plus là, c’était fini.

Zortan laissa retomber son bras et se retourna vers Monkey qui était encore sous le choc.
-Bien! Tu as entendu ton père hein? Je vais te rendre fort petit singe, sois-en heureux!
-Oui…
Zortan avait maintenant des flammes d’éxcitation qui dansaient dans son œil unique.
-Tu vas réaliser de grandes choses. Et puis ça tombe juste bien, je commençais à m’ennuyer. Le vieil homme éclata d’un rire sarcastique, puissant et presque inquiétant, son rire résonna dans toute la montagne et la forêt, brisant le silence habituel de ces terres sauvages.